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Preuve des heures supplémentaires : un décompte manuscrit du salarié suffit

dimanche 5 décembre 2010, par Gil

Paru dans Liaisons Sociales, N° 15743 du 03/12/2010

Lorsqu’un salarié réclame en justice le paiement d’heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées, la charge de la preuve ne lui incombe pas spécialement, puisqu’il doit simplement apporter des éléments de nature à étayer sa demande. Par un arrêt du 24 novembre, la Cour de cassation précise que ces éléments doivent être suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, ceci afin de permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. La forme importe peu. Les hauts magistrats ont en effet estimé suffisamment précis undécompte mensuel établi à la main, sans autre explication ni indication complémentaire portée par le salarié.
Mécanisme probatoire spécifique

En cas de litige sur la durée du travail, le régime probatoire aménagé en 1992 est assez neutre, puisqu’il ne fait peser la charge de la preuve sur aucune des parties en particulier. Il fait participer tout à la fois le salarié, l’employeur et le juge. Ainsi, « l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par lesalarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » (C. trav., art. L. 3171-4). Toutefois, dès 2004, la Cour de cassation a procédé à un rééquilibrage pour couper court à la tendance de juridictions du fond à accueillir trop facilement les demandes de salariés. Ainsi, le salarié ne doit pas simplement introduire une action en justice, il doit fournir préalablement au juge des « éléments de nature à étayersa demande » (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441). Ce principe posé pour la preuve des heures supplémentaires a ensuite été transposé aux heures complémentaires (Cass. soc., 10 mai 2007, n° 05-45.932). Restait encore à déterminer quels éléments suffisent à étayer une demande.
Des éléments suffisamment précis

Selon l’arrêt du 24 novembre, il doit s’agir « d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ». En d’autres termes, le principe selon lequel étayer n’est pas prouver est toujours à l’ordre du jour. L’exigence de précision impose seulement au salarié d’apporter des éléments circonstanciés rendant vraisemblable l’accomplissement d’heures supplémentaires à une date et pour unvolume donnés, l’employeur étant ainsi mis en mesure d’apporter en réponse, pour les périodes indiquées, les éléments dont il dispose.

La solution est encore plus favorable au salarié qu’il n’y paraît. En effet, dans cette affaire, la cour d’appel avait considéré qu’un décompte établi au crayon par lesalarié, calculé mois par mois, sans autre explication, ni indication complémentaire, n’était pas suffisant pour étayer la demande. Les Hauts magistrats ont censuré cette appréciation, en estimant que le salarié avait par là même produit un décompte des heures qu’il prétendait avoir réalisées et auquel l’employeur pouvait répondre. Le salarié peut donc se contenter d’apporter aux débats un décompte manuscrit établi par ses soins, alors que des décisions antérieures pouvaient laisser penser l’inverse (Cass. soc., 14 juin 2007, n° 06-42.353 : emplois du temps manuscrits jugés insuffisants). Malgré l’adage en vertu duquel « nul ne peut se constituer une preuve à soi-même », le relevé d’heures n’a pas à comporter le visa de la hiérarchie.

PARU DANS LIAISONS SOCIALES DÉCEMBRE 2010

Un relevé manuscrit des heures de travail
effectuées par un salarié suffit à étayer sa
demande en paiement d’heures
complémentaires s’il est suffisamment précis
et permet la réponse de l’employeur.
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail
que la preuve des heures n’incombe spécialement à
aucune des parties et que lorsque le salarié fournit
au juge des éléments de nature à étayer sa
demande [en paiement d’heures], il appartient à
l’employeur d’apporter des éléments de nature à
justifier les horaires effectivement réalisés.
La Cour de cassation vient de réaffirmer cette
position à l’occasion d’une affaire relative à une
salariée licenciée pour faute grave, et réclamant à
son employeur le paiement non pas d’heures
supplémentaires mais complémentaires. Cette
salariée avait joint à sa demande un décompte des
heures réalisées, décompte établi au crayon, calculé
mois par mois sans autre explication ni indication
complémentaire.
Sa demande avait été rejetée par la Cour d’appel,
qui avait jugé ces éléments insuffisants pour étayer
la demande en paiement.
La Cour de cassation sanctionne sa décision : en
rejetant la demande de la salariée qui avait produit
un décompte des heures qu’elle prétendait avoir
réalisées et auquel l’employeur pouvait répondre, la
Cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du code du
travail.
Cette décision étonnante mérite quelques
explications.
Depuis un arrêt marquant de la Cour de cassation
du 25 février 2004 dit « des Clochetons », relatif à
la preuve des heures de travail effectuées par le
salarié, il est clairement établi que le juge appelé à
se prononcer sur une demande de paiement
d’heures supplémentaires (ou complémentaires),
forme sa conviction d’une part au vu des éléments
donnés par l’employeur justifiant les horaires
effectués, et d’autre part, à ceux fournis
(préalablement) par le salarié à l’appui de sa
demande.
Cette formulation, aujourd’hui toujours
reprise, était destinée à permettre au salarié de
faire valoir ses droits en matière d’heures
supplémentaires, sans être le seul à supporter
comme par le passé, la charge d’une preuve difficile
à établir (Cass. soc., 25 févr. 2004, n°01-45.441,
Gremy c/ Sarl Les Clochetons). Mais on pouvait
penser à l’époque que le juge aurait une quelconque
exigence à l’égard des déclarations du salarié.
Or, ces dernières années, la Cour de cassation s’est
maintes fois prononcée en faveur du salarié, alors
qu’il présentait un simple relevé individuel des
horaires : pour elle il était impossible de fonder un
refus de paiement d’ heures sur l’insuffisance des
preuves apportées par le salarié ou "aux motifs que
les éléments produits par le salarié ne
prouvaient pas le bien-fondé de sa demande" (Cass.
soc., 10 mai 2007, n° 05-45.932, Gomes c/ Sté
EDF-GDF ; Cass. soc., 21 janv. 2009, n°
06-45.914, Gibourdel c°/Sté BHM). En demander
plus au salarié aurait eu pour effet de lui faire
supporter de nouveau la charge de la preuve.
Dans l’arrêt du 24 novembre 2010, la Cour de
cassation tout en admettant la production d’un
décompte réalisé à la main, redéfinit ses
exigences : « il appartient au salarié d’étayer sa
demande par la production d’éléments suffisamment
précis quant aux horaires effectivements réalisés
pour permettre à l’employeur de répondre en
fournissant ses propres éléments » ; elle constate
ensuite que « la salariée avait produit un décompte
des heures auquel l’employeur pouvait répondre ».
Elle rappelle donc, dans cette recherche d’équilibre
entre les deux parties, leur rôle respectif par
rapport à la charge de la preuve des horaires. Le
salarié étaye sa demande par n’importe quel moyen,
dès lors qu’il comporte des éléments précis ;
l’employeur présente en réponse des éléments
justifiant ces horaires (ayant la responsabilité du
décompte des horaires de ses salariés dans le cadre
de la réglementation en vigueur, il dispose de tout
l’arsenal juridique destiné à contrôler l’activité du
salarié et ses horaires) ; le juge fait sa conviction et
en cas de doute, ordonne les mesures d’instruction
nécessaires.
Préretraite amiante :
précisions concernant la
rupture du contrat de travail
Soc. 17 nov. 2010, n° 08-45.647
Le fait que le salarié doive poser sa démission
pour bénéficier de la préretraite ne l’empêche
pas de faire ensuite requalifier cette rupture
en licenciement sans cause réelle et sérieuse
en raison de certains manquements de
l’employeur.

paru dans lettre omnidroit décembre 2010

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