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LE DROIT DE GREVE

jeudi 22 avril 2010, par Dominique

Traditionnellement, la grève est définie comme une cessation concertée du travail par des salariés, dans le but de défendre des revendications de nature professionnelle.

1. Une longue conquête

Jusqu’au XIXesiècle, non seulement la grève était interdite mais elle constituait en outre un délit pénalement sanctionné. Ce n’est que le 25 mai 1864 qu’une loi mit fin à cette pénalisation de la grève, sans toutefois lui donner sa pleine portée. En effet, selon cette loi, la grève constituait toujours une rupture du contrat de travail et pouvait justifier un licenciement du salarié gréviste ou une intervention de la force armée avec heurts sanglants et victimes. Pourtant, malgré les risques encourus par les salariés, la grève a joué tout au long de la Troisième République un rôle majeur dans la vie politique et sociale (ex : grève générale avec occupations d’usines en 1936, après la victoire du Front populaire).

Ce n’est qu’à la Libération que le droit de grève est pleinement consacré. Il est inscrit dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 : "Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent". Contrairement à ce que semblait annoncer ce texte, le législateur n’est pas intervenu pour encadrer le droit de grève, mais seulement pour l’interdire à certaines catégories de personnels. C’est le cas des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) par une loi de 1947, des personnels de police (loi de 1948) et des magistrats en vertu d’une ordonnance de 1958. En raison de cette carence du législateur, le Conseil d’État, tout en reconnaissant le droit de grève des fonctionnaires, a demandé à l’administration de réglementer les conditions de son exercice (arrêt Dehaene de 1950).

Sous la Cinquième République, le droit de grève est totalement reconnu (le préambule de la constitution de 1958 fait référence au préambule du texte constitutionnel de 1946). Cependant, le législateur est intervenu en 1963 pour encadrer quelque peu ce droit. Sont ainsi interdites les grèves "tournantes", qui visent à paralyser l’action d’une entreprise. De même, dans la fonction publique, un syndicatSyndicatAssociation de personnes dont le but est de défendre les droits et les intérêts sociaux, économiques et professionnels de ses adhérents. souhaitant organiser une grève est contraint de déposer un préavis cinq jours au moins avant la cessation du travail. Par ailleurs, un service minimum a été mis en place dans certains secteurs. Le contrôle aérien fait ainsi l’objet depuis 1964 d’une prise en charge minimale pour des raisons évidentes de sécurité. Il en va de même, depuis une loi de 1979, de la télévision et de la radio (qui ont l’obligation de diffuser un journal d’information et une émission de divertissement chaque jour).

2. Un droit controversé

Partiellement acquis en 1864, le droit de grève demeure aujourd’hui l’un des droits fondamentaux les plus controversés. Plusieurs raisons peuvent expliquer une telle situation. On note ainsi que l’exercice du droit de grève a souvent des répercussions sur une partie de la population étrangère au conflit justifiant l’emploi de ce mode de pression (par exemple, lors des grèves dans les transports publics). De plus, la grève est l’expression d’un rapport de forces. Elle vise à faire céder l’employeur- qui peut être une entreprise privée ou l’État- en lui faisant subir un manque-à-gagner économique ou un préjudice en lien avec sa mission (ainsi, s’agissant de l’État, l’interruption de la continuité du service publicService publicActivité d’intérêt général prise en charge par une personne publique ou par une personne privée mais sous le contrôle d’une personne publique. On distingue les services publics d’ordre et de régulation (défense, justice...), ceux ayant pour but la protection sociale et sanitaire, ceux à vocation éducative et culturelle et ceux à caractère économique. Le régime juridique du service public est défini autour de trois principes : continuité du service public, égalité devant le service public et mutabilité (adaptabilité). au détriment des usagers de ce service).

La grève demeure un rapport de forces qu’il est très difficile de canaliser juridiquement. Ainsi, l’occupation d’une entreprise à l’occasion d’une grève est une infractionInfractionAction ou comportement interdit par la loi et passibles de sanctions pénales. On distingue trois catégories d’infraction selon la gravité et les peines encourues : les contraventions, les délits et les crimes.. Le juge judiciaire, lorsqu’il est saisi d’une telle violation du droit de propriété et de la liberté de travailler des salariés non grévistes, ordonne fréquemment l’évacuation de l’entreprise concernée. Mais c’est bien souvent,en dernière analyse, la négociation entre syndicats et employeurs qui doit prendre le relais.
Toutefois, ces dernières années, le nombre de jours de grève a eu tendance à diminuer. Sans même parler des pics de jours de grève (plus de 150 millions de journées de travail perdues en 1968), la conflictualité sociale a perdu de sa vivacité, principalement en raison d’un chômage massif (peur de perdre son emploi, coût financier d’une grève, affaiblissement du pouvoir syndical...). Aujourd’hui, le débat porte sur un aménagement du droit de grève, par l’instauration, dans le secteur publicSecteur publicSecteur regroupant toutes les activités économiques et sociales prises en charge par les administrations, les entreprises publiques et les organismes publics de Sécurité sociale., d’un service public minimum généralisé.

Grève et légalité

Sur quels textes repose le droit de grève ?

L’exercice du droit de grève est reconnu par la Constitution de 1958 qui se réfère au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le droit de grève " s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent " (al. 7, préambule de la Constitution 27 oct. 1946, C. trav. Dalloz, sous l’art. L. 521-1).

Cependant, seuls les articles L. 521-1 et L. 122-45, alinéa 2, du Code du travail réglementent l’exercice du droit de grève dans le secteur privé en posant les principes suivants :

• la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié (art. L. 521-1 , al. 1er, C. trav.)

• tout licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de grève est nul de plein droit (art. L. 521-1, al. 3, C. trav.)

• l’exercice du droit de grève ne saurait donner lieu de la part de l’employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération et d’avantages sociaux (art. L. 521-1, al. 2, C. trav.)

• aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de l’exercice normal du droit de grève. Toute disposition ou tout acte contraire à l’égard d’un salarié est nul de plein droit (art. L. 122-45, al. 2, C. trav.).
En l’absence de textes légaux réglementant l’exercice du droit de grève dans le secteur privé, ce sont les tribunaux qui ont été amenés à déterminer les conditions d’exercice du droit de grève.

Quelles conditions la grève doit-elle respecter pour être licite ?

La grève est la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles déjà déterminées et connues de l’employeur (Cass. soc., 18 janv. 1995, n° 91-10.476, Bull. civ. V, n° 27, D. 1995.IR.50).

La cessation du travail doit être totale. Le fait de ralentir la cadence de production ou de provoquer un ralentissement de l’activité ne peut être considéré comme l’exercice normal du droit de grève et peut être sanctionné.
La grève suppose une cessation collective et concertée du travail. La cessation du travail par un salarié isolé dans son entreprise ne peut être qualifiée de grève, mais consiste en un abandon de poste ou un acte d’indiscipline passible de sanctions disciplinaires.

Une grève ne peut valablement être déclenchée que pour obtenir la satisfaction de revendications d’ordre professionnel. Ces revendications professionnelles peuvent concerner les conditions de travail, la protection de l’emploi, la stratégie de l’entreprise, la défense des droits collectifs, la rémunération...

Le droit de grève peut-il être exercé isolément ?

Le droit de grève ne peut être exercé isolément. Mais un salarié qui répond à un mot d’ordre formulé au plan national peut, seul, faire la grève dans son entreprise (Cass. soc., 29 mars 1995, n° 95-41.863, Bull. civ. V, n° 111).
Par ailleurs, dans les entreprises qui n’occupent qu’un seul salarié, celui-ci est le seul à même de présenter et défendre ses revendications professionnelles et peut donc, seul, exercer son droit de grève (Cass. soc., 13 nov. 1996, n° 93-42.247, Bull. civ. V, n° 379, D. 1997.IR.6).

Une grève peut-elle avoir pour objet des revendications d’ordre politique ?

Les revendications d’ordre politique ne peuvent légitimer une grève dans la mesure où elle ne repose pas sur des revendications professionnelles. Ainsi, il n’est pas possible de faire une grève en vue de protester contre la politique générale du Gouvernement (Cass. soc., 10 mars 1961, n° 3.367, Bull. civ. IV, n° 333, D. 1962.somm.92). En revanche, dès que des revendications d’ordre professionnel apparaissent, le mouvement est licite. Tel est le cas de celui qui a pour objet le refus du blocage des salaires, la défense de l’emploi et la réduction générale du temps de travail, revendications étroitement liées aux préoccupations quotidiennes des salariés au sein de leur entreprise (Cass. soc., 29 mai 1979, n° 78-40.553, Bull. civ. V, n° 464, D. 1980.IR.23, obs. Ph. Langlois).

Peut-on faire grève par solidarité ?

La grève de solidarité déclenchée en vue du soutien à un salarié frappé d’une sanction disciplinaire ou d’un licenciement n’est licite que si elle se rattache à des intérêts généraux des salariés.

Ainsi, ne peut être considérée comme une grève licite le fait de demander la réintégration d’un salarié régulièrement licencié n’ayant pour objet ni un intérêt collectif professionnel, ni la modification ou l’amélioration des conditions de travail.

En revanche, une grève de solidarité s’accompagnant de revendications professionnelles est licite. Tel est le cas lorsqu’elle intervient postérieurement à des licenciements apparaissant comme une mesure annonciatrice d’une compression du personnel (Cass. soc., 27 févr. 1974, n° 72-40.726, Bull. civ. V, n° 140).

Quelles sont les conséquences de la participation à un mouvement illicite ?

Les salariés participant à un mouvement illicite peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires selon le droit commun sans qu’il soit nécessaire que les intéressés aient commis une faute lourde. Les salariés participant à un mouvement illicite s’exposent d’autant plus au pouvoir disciplinaire de l’employeur que la participation à ce mouvement constitue, la plupart du temps, une insubordination, et donc une faute justifiant une sanction disciplinaire.

La durée de la cessation de la grève a-t-elle une incidence sur la licéité de la grève ?

La durée de l’arrêt de travail est sans incidence sur la licéité de la grève. Dès lors qu’il y a arrêt complet du travail, la grève est licite. Il importe peu que les arrêts de travail aient été de courte ou de longue durée.

Responsabilités et droit de grève

Les débrayages constituent-t-ils un exercice abusif du droit de grève ?

Les grèves courtes et répétées sont licites dès lors qu’elles ne procèdent pas d’une volonté de désorganiser l’entreprise. Certains arrêts de travail de courte durée n’ayant pour conséquence que de désorganiser la production sont licites. Ainsi a été considéré comme licite la répétition d’arrêts de travail de 2 fois 5 minute par heure, ces arrêts de travail étant moins préjudiciables à l’entreprise qu’une cessation totale et continue dès lors que les salariés non grévistes n’avaient pas été empêchés d’accomplir leur tâche (Cass. soc., 25 févr. 1988, n° 85-43.293, Bull. civ. V, n° 133, D. 1988.Somm.326, obs. Ph. Langlois).

L’occupation des locaux constituent-t-elle un exercice abusif du droit de grève ?

Le droit de la grève ne comporte pas celui de disposer arbitrairement des locaux de l’entreprise. L’occupation des locaux constitue un trouble manifestement illicite, notamment lorsqu’elle entrave la liberté du travail. L’occupation des locaux constitue donc un acte abusif susceptible de caractériser une faute lourde. Il n’est ainsi pas possible d’interdire l’accès de l’usine à quiconque, notamment au directeur et au personnel non-gréviste (Cass. soc., 21 juin 1984, n° 82-16.596, Bull. civ. V, n° 263). Toutefois, lorsque l’occupation des locaux de l’entreprise est partielle ou momentanée et qu’elle n’entraîne pas une désorganisation de l’entreprise, elle ne constitue pas un acte abusif. Tel est le cas d’une occupation purement symbolique et n’ayant pas entravé la liberté du travail (Cass. soc., 26 févr. 1992, n° 90-40.760, Bull. civ. V, n° 124).

Les piquets de grève constituent-t-ils un exercice abusif du droit de grève ?

Le piquet de grève est un regroupement de grévistes devant l’entrée de l’entreprise en vue d’inciter les non-grévistes à cesser le travail ou de gêner le fonctionnement de l’entreprise. Le piquet de grève est licite lorsqu’il n’entraîne pas la désorganisation de l’entreprise et n’entrave pas la liberté du travail. Ainsi, ne peut être sanctionné le fait pour les salariés d’une entreprise de transport d’avoir garé les camions devant l’entrée de l’entreprise et d’être restés à côté dès lors que les camions sont vides et les grévistes ont remis les clés des véhicules à l’employeur (Cass. soc., 7 juin 1995, n° 93-46.448, Bull. civ. V, n° 180, D. 1995.IR.204).

En revanche, peut être sanctionné par une faute lourde, le fait de participer à un piquet de grève ayant pour effet de bloquer les portes de l’établissement et par conséquent d’interdire l’accès de l’usine aux autres salariés (Cass. soc., 8 déc. 1993, n° 81-14.238, Bull. civ. V, n° 598).

Quelles sont les conséquences de l’abus du droit de grève ?

Le comportement abusif des grévistes pendant une grève n’a pas pour effet de rendre le mouvement de grève illicite. Mais le salarié qui a participé à un abus dans l’exercice du droit de grève peut faire l’objet de sanction et faire l’objet d’un licenciement pour faute lourde. La faute lourde est alors caractérisée par l’intention de nuire du salarié vis-à-vis de l’employeur ou de l’entreprise. Elle suppose la participation personnelle du salarié aux faits qui lui sont reprochés. Par exemple, le salarié qui refuse d’obtempérer à l’ordonnance de référé interdisant d’empêcher l’accès à un chantier commet une faute lourde. Par ailleurs, l’employeur peut demander la cessation des piquets de grève ou de l’occupation des locaux.

Quel est le sort du contrat de travail pendant la grève ?

La grève n’a pas pour effet de rompre le contrat de travail, mais simplement de le suspendre. Le salarié continue de faire partie de l’entreprise.
Que se passe-t-il en cas de maladie du salarié pendant la grève ?
Le salarié gréviste qui tombe malade alors que son contrat de travail est suspendu du fait d’une grève, ne peut prétendre au maintien du salaire prévu en cas de maladie par la convention collective, sauf disposition contraire.
Lorsque la maladie du salarié est antérieure au début de la grève, il a droit pendant cette période au complément de rémunération prévu par la convention collective dès lors que certains salariés ont pu continuer à travailler.

Les accidents survenus au cours d’une grève ont-ils un caractère professionnel ?

Les accidents survenus au cours de la suspension de contrat de travail due à une grève n’ont pas un caractère professionnel, le salarié gréviste ne se trouvant pas sous l’autorité de l’employeur.

Les grévistes peuvent-ils percevoir un salaire pendant la grève ?

Le contrat de travail étant suspendu pendant la grève, les grévistes ne peuvent, sauf exception, prétendre au paiement de leur salaire pour les périodes de grève. L’employeur peut donc légitimement procéder à des retenues sur salaire correspondant aux périodes non travaillées.
Les amendes et autres sanctions pécuniaires sont interdites. Aussi, la retenue sur le salaire en raison de la participation à une grève ne doit pas avoir le caractère d’une sanction mais doit être proportionnelle à la cessation du travail, quelles que soient les conséquences de l’arrêt de travail sur la production.

Que se passe-t-il en cas de jour férié pendant la grève ?

Les salariés qui sont en grève pendant un jour férié ne peuvent prétendre au paiement d’un quelconque salaire pour ce jour chômé par les non-grévistes. En effet, le salarié qui s’est associé à un mouvement de grève doit être légalement considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pour toute la durée du mouvement, il ne peut donc prétendre au paiement de sa rémunération pendant cette période, peu important qu’elle comprenne un jour férié chômé et payé aux salariés qui continuent l’exécution de leur contrat de travail.

Des préjudices causés au cours d’une grève peuvent-ils permettre la mise en jeu de la responsabilité du syndicat ?

La responsabilité civile du syndicat peut être engagée à l’occasion d’agissements fautifs qui ont pu causer un préjudice pendant la grève. Cette responsabilité ne peut être engagée que si un lien de causalité direct existe entre les agissements fautifs et le préjudice subi et que le syndicat a effectivement participé aux agissements en cause.

Ainsi, la responsabilité du syndicat peut être engagée en raison des fautes commises pendant un mouvement de grève illicite lorsque les syndicats ont été constamment les investigateurs et les organisateurs de ce mouvement et qu’ils en ont assuré la maîtrise et la poursuite en incitant, par des directives, l’accomplissement d’actes fautifs par les salariés qui participaient au mouvement.

En revanche, le syndicat n’étant pas le commettant des grévistes qui exercent individuellement le droit de grève, les grévistes ne peuvent engager la responsabilité du syndicat auquel ils appartiennent pour les actes illicites auxquels ils peuvent se livrer.

Les grévistes peuvent-ils être condamnés à réparer les dommages qu’ils ont causés ?

La responsabilité civile d’un gréviste ne peut être retenue que pour une faute qui lui est personnellement imputable. Le gréviste ne peut se voir condamné à réparer que le préjudice découlant directement de sa participation personnelle à des actes illicites pendant la grève.

Mais, chaque gréviste responsable d’un même dommage peut se voir condamner à la réparation de la totalité du préjudice subi. Ainsi, des grévistes ayant porté atteinte à la liberté du travail peuvent être condamnés in solidum au paiement des non-grévistes de dommages-intérêts pour le préjudice qu’ils ont subi en raison de la perte de salaire à la suite de la fermeture de l’entreprise pour force majeure (Cass. soc., 6 juin 1989, n° 87-40.738, Bull. civ. V, n° 425, D. 1990.Somm.169, obs. G. Borenfreund).

Fonctionnement de l’entreprise pendant la grève

L’employeur peut-il remplacer les salariés grévistes ?

Le remplacement des salariés grévistes par des salariés en contrat à durée déterminée ou de travail temporaire est interdit.
Art. L. 122-3 et L. 124-2-3, C. trav.

Mais il n’est pas interdit à l’employeur, en cas de grève, d’organiser l’entreprise pour assurer la continuité de l’activité : modification des fonctions de salariés non-grévistes, sous réserve de leur accord, participation de bénévoles.

Les non-grévistes ont-ils droit à leur salaire s’ils n’ont pas pu travailler ?

Les non-grévistes ont droit au paiement de leur salaire même s’ils n’ont pas été en mesure d’exécuter leur prestation de travail dès lors qu’ils se sont tenus à la disposition de l’employeur.

L’employeur est ainsi tenu de verser leur salaire à des salariés non-grévistes qui n’ont pu accéder à leur poste de travail en raison de la présence de manifestants bloquant l’accès de l’établissement ou en raison de la présence de piquets de grève, par exemple.

Le lock-out est-il autorisé en France ?

Le lock-out est une mesure temporaire de fermeture de l’entreprise, d’un établissement ou d’un service décidée par l’employeur en raison d’une grève ou d’une menace de grève. Le lock-out, qui ne fait l’objet d’aucune prévision légale, est illicite. Il en est plus particulièrement ainsi lorsque la fermeture de l’entreprise est utilisée comme un moyen de rétorsion à l’égard des grévistes et de pression sur les non-grévistes ainsi privés de leur rémunération. La fermeture peut cependant être licite lorsque l’employeur se trouve dans une situation contraignante rendant impossible la poursuite de l’activité.

Quand l’employeur peut-il fermer temporairement l’entreprise en raison d’une grève ?

La fermeture de l’entreprise est justifiée lorsque la grève de tout ou partie des salariés crée une " situation contraignante " rendant impossible la poursuite de l’activité. Elle n’est légitime que si l’employeur établit qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour fournir du travail aux non-grévistes.

Par exemple, l’existence d’une situation contraignante est établie et permet la fermeture de l’entreprise lorsque des piquets de grève interdisent tout accès des lieux de travail aux non-grévistes et que, malgré une ordonnance d’expulsion sollicitée par l’employeur, le préfet refuse d’utiliser la force publique pour faire évacuer les ateliers (Cass. soc., 6 oct. 1971, n° 71-40.105, Bull. civ. V, n° 542, D. 1972.23).

Quelles sont les différentes procédures de règlement de conflits collectifs ?

Les conflits du travail peuvent être soumis aux procédures de conciliation. Tout conflit collectif de travail est immédiatement notifié par la partie la plus diligente au préfet qui, en liaison avec l’inspecteur du travail compétent, intervient en vue de rechercher une solution amiable. Les procédures de conciliation, autres que les procédures contractuelles, sont engagées soit par l’une des parties, soit par le ministre chargé du travail, soit par le préfet ou, le cas échéant, par le directeur régional du travail et de l’emploi.
Art. L. 523-1, al. 1er ; art. R. 523-1, C. trav.

La procédure de médiation peut être engagée :

• soit après l’échec d’une procédure de conciliation, par le ministre du Travail ou par le président de la commission régionale de conciliation, à la demande de l’une des parties ou de sa propre initiative ;

• soit directement par le ministre du Travail, ou s’il s’agit d’un différend à incidence régionale, départementale ou locale, par le préfet ;

• soit lorsque les parties présentent conjointement des requêtes à fin de médiation, précisant qu’elles entendent recourir directement à cette procédure et indiquant le nom du médiateur choisi d’un commun accord.

Dans ce cas, le ministre du Travail, s’il s’agit d’un différend à incidence nationale, soit le directeur régional du travail et de l’emploi, s’il s’agit d’un différend à incidence régionale, départementale ou locale, apprécie s’il y a lieu de désigner directement le médiateur. La procédure de médiation peut également être engagée par le ministre du travail à la demande écrite et motivée de l’une des parties ou de sa propre initiative.
Art. L. 524-1 ; art. R. 524-1, C. trav.

La convention ou l’accord collectif peut prévoir une procédure contractuelle d’arbitrage et l’établissement d’une liste d’arbitres dressée d’un commun accord entre les parties. Dans le cas où aucune procédure contractuelle d’arbitrage n’est prévue par convention ou accord collectif, les parties intéressées peuvent décider d’un commun accord de soumettre à l’arbitrage les conflits qui subsisteraient à l’issue d’une procédure de conciliation ou de médiation. L’arbitre est choisi soit par accord entre les parties, soit selon les modalités établies d’un commun accord entre elles.
Art. L. 525-1, L. 525-2, C. trav.

L’employeur peut négocier avec les grévistes un accord mettant fin à la grève. Cet accord permet de fixer les conditions de la reprise du travail, notamment quant aux revendications des grévistes. Il peut également avoir pour objet de déterminer les conséquences de la grève, comme par exemple le paiement ou la récupération des jours de grève, l’absence de sanction des grévistes ou la réintégration des grévistes licenciés pour faute lourde.

Grève dans le secteur public

Quelles sont les restrictions à l’exercice du droit de grève dans le secteur public ?

Les restrictions à l’exercice du droit de grève dans le secteur public se manifestent par :

• l’obligation de respecter un préavis ;
• l’interdiction des grèves tournantes ;
• l’existence d’un service minimum dans certains secteurs ;
• des modalités particulières de retenues sur salaire.

Quelles sont les obligations en matière de préavis ?

L’usage du droit de grève dans le secteur public doit être précédé d’un préavis. La cessation du travail sans respect du préavis constitue une faute lourde pour les salariés qui ont appelé à la grève et le syndicat qui appelle à la cessation du travail sans respecter le préavis peut se voir condamner au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l’entreprise du fait de l’absence de préavis.

Le préavis doit émaner de l’organisation syndicale ou d’une des organisations syndicales représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé. Le préavis doit parvenir 5 jours francs avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’établissement, de l’entreprise ou de l’organisme intéressé. Le préavis doit préciser les motifs du recours à la grève. Il fixe le lieu, la date et l’heure de la grève envisagée, ainsi que sa durée, limitée ou non.
art. L. 521-3, C. trav.

Quels sont les secteurs concernés par le service minimum ?

Un service minimum est légalement institué dans l’audiovisuel public (art. 57-II, III, Loi n° 86-1067, 30 sept. 1986, JO 1er oct.) et dans le secteur de la navigation aérienne (Loi n° 84-1286, 31 déc. 1984, JO 1er janv. 1985).

Dans les autres secteurs publics, il appartient au Gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer la nature et l’étendue des limitations qui doivent être apportées au droit de grève dans les services publics en vue d’éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public (CE, 14 oct. 1977, n° 98807, Rec. CE, p. 383).

Des circulaires ministérielles peuvent fixer les modalités du service minimum.